« Tam », la perle du Hoggar
Paru dans Tassili
Magazine de bord de la compagnie Air Algérie
Reportage à Tamanrasset réalisé avec le concours
d’El-Djazaïr.Com
Novembre/Décembre 2011
En novembre 2011, Tamanrasset a accueilli la Troisième Rencontre internationale d’Imzad. L’occasion a été donnée de découvrir cette ville du Grand Sud algérien à la confluence
des routes transsahariennes, et d’apprécier le riche patrimoine culturel des Touarègues.
Tamanrasset… Ultime ville du Grand Sud algérien sur la route transsaharienne. A 1 500 km d’Alger, le changement est
radical. Exit le clapotis des vagues et les brumes matinales qui nappaient la baie. Tout ici est extrait du minéral, de la fusion de la roche et du magma. Des massifs montagneux acérés aux dômes
volcaniques, ce n’est que succession de cimes jusqu’au lointain, où se profile l’Atakor et le mont Tahat, qui culmine à 3 000 mètres.
Le Hoggar défile à l’infini. Le plateau de l’Assekrem et les Tassilis constituent quelques-uns des joyaux sur lequel le
temps a déposé sa patine. A 600 km au nord-est de Tamanrasset, le Tassili N’Ajjer recèle l’empreinte des civilisations qui y vivaient, il y a 10 000 ans. Des milliers de peintures rupestres
témoignent de cette vie passée dans l’ombre chaude des monolithes, dans le dédale des roches basaltiques.
De ce paysage épuré, quelques pans de végétation jaillissent, comme par enchantement. Des buissons d’épineux et des
plantes herbacées poussent, çà et là, dans le lit d’oueds asséchés. Des acacias et de beaux tamaris ombragent les rues. Dans d’étroites cours de maisons tapissées de faïences, le jasmin exhale
ses délicates senteurs et ses folioles étoilées grimpent à l’assaut des murs, jusqu’à les revêtir de son feuillage vert sombre.
Ailleurs, les palmiers et les bougainvilliers ont pris possession des lieux depuis que l’eau irrigue ces terres arides.
Des orangers et des citronniers poussent en abondance dans de luxuriants vergers qu’entretiennent avec ferveur des gentlemen-farmers. Dans ces jardins d’Eden fertilisés par l’eau de puits, les
touristes sont accueillis dans les règles de l’hospitalité saharienne. Les voyageurs impénitents ont coutume de séjourner dans de petits bungalows ombragés, et sillonnent la région à dos de
chameau, en 4X4 ou plus simplement en marchant. Méharées, rallyes et trekkings prolongent à l’envi la découverte de cet environnement totalement dépaysant.
La clientèle d’affaires préfèrera l’hôtel Tahat, construit en 1978 par l’architecte Fernand Pouillon.
L’établissement constitue une étape de confort incontournable à Tamanrasset. Il dispose de près de 150 chambres, d’une table généreuse et de campements de toiles, pour les excursions et les
opérations d’incentives. On peut aussi manger de succulentes viandes grillées dans les gargotes du centre ville, et des méchouis non moins délicieux. Les poules et les pintades des élevages
locaux pourvoient également à la consommation de ces produits du terroir à la saveur incomparable.
Le peuplement animal du Grand Sud comprend de surcroît des chèvres, des gazelles, des fennecs et des reptiles, en plus
du dromadaire, maitre incontesté des lieux, qui règne sur ce vaste territoire. Il est mené par d’habiles chameliers qui le parent d’apparats bigarrés, où le turquoise et le grenat dominent.
Juchés sur leurs montures, ils paradent nonchalamment. L’on s’écarte sur le passage de ce vaisseau amiral du désert, lui ménageant une haie d’honneur, pour ne pas entraver son imperturbable
avancée. Ainsi va la vie aux confins de l’Algérie.
Royaume des prophètes
Arrimés à leur territoire, les habitants du plus grand désert du monde ont façonné, à leur image, ces cités arrachées au
vent, à la brûlure du soleil et au roc. Basins damassés et chèches indigo auréolent de mystère les hommes bleus dont on ne perçoit que le regard. Les femmes, drapées de voiles moirés, dardent
l’horizon, dans des poses altières. Nul ne peut les défier tant elles font autorité. Elles imposent leur présence dans un silence abyssal. Puis le rompent, entonnant en assemblée des mélopées
modulées par les sons mats des tambours à eau.
Depuis toujours, le Sahara captive. Si densément riche en dépit d’un apparent dépouillement, il a de tout temps été
perçu comme redoutable autant qu’attirant. Jean-Louis Bernezat, guide de haute montagne, ne cesse, depuis quarante ans, d’en arpenter les sommets, en compagnie d’Odette, son épouse.
D’autres, avant
lui, ont succombé à l’appel du désert, à l’instar de l’alpiniste et écrivain Roger Frison-Roche. Ils sont aussi nombreux les contemplatifs, les esthètes et les mystiques à être venus s’initier et
chercher le sirr, le secret. Comme cette Allemande, saisie à peindre dans l’immensité de l’Ahaggar, et qui a créé une fondation, la Jutta Vogel
Stiftung, laquelle a vocation à promouvoir la culture de ce désert d’Afrique. A une autre époque, le peintre Etienne Nasreddine Dinet la devança, plantant son chevalet à Bou-Saâda. De la même
manière, Charles de Foucault s’éprit du Sahara, au point d’y installer son ermitage, du haut de l’Assekrem. Aurélie Picard y finira sa vie, aux côtés de son mari, chef de la confrérie soufie
Tidjania, et Isabelle Eberhardt scellera son destin à Aïn-Sefra, où elle repose.
Depuis toujours, les voyageurs d’Occident reviennent à la source, dans ce qui fut le berceau de l’humanité.
« N’y viennent-ils pas pour retremper leur énergie spirituelle ? », questionne Chérif Rahmani, président de la Fondation Déserts du
monde, avant de conclure : « Ce qu’on appelle désert est demeuré le royaume des Prophètes ». Pour tenter de découvrir quelques-unes des énigmes du Grand Sud saharien, il faut alors aller au rythme du ressac des vents de sable. Il faut se fondre et
s’y confondre, jusqu’à lui appartenir. Ce n’est qu’ensuite qu’il se dévoile et que la magie opère…
Festival d’Imzad
Ces moments
d’exception ont eu lieu en novembre 2011. Sept jours et sept nuits durant, la capitale du Hoggar a revêtu ses habits de lumière pour accueillir la Troisième Rencontre internationale d’Imzad. A
l’extrême sud de l’Algérie, tout ce que le désert compte comme talents s’est donné rendez-vous à Tamanrasset. Peintres, maîtres forgerons, sculpteurs, danseurs de sabre, musiciennes et musiciens,
poètes… les artistes sahariens et sahéliens ont convergé vers la palmeraie pour faire démonstration de leur virtuosité.
Le tarmac de l’aéroport a été investi par cette foule venue de Djanet, de Tombouctou, d’Agadez et d’Alger, d’Europe et
d’Asie. Dans la flotte de la compagnie nationale Air Algérie, des milliers de passagers ont été transportés pour la circonstance, et ont pu assister à un évènement unique, organisé par
l’association « Sauver l’imzad ». Des spectacles de tambour tindé, de flûte tazamart et de danse de l’épée ; des rodéos chameliers, des concours d’élégance et de décoration de
tente ; la distinction des meilleures instrumentistes ; des joutes poétiques… La Perle du Sahara a été le théâtre de ce festival surréaliste où se sont succédés, sur scène, les plus
grands noms du Blues Touareg. A commencer par Atri N’Assouf, une formation qui réunit un Nigérien au chant et à la guitare, un percussionniste français et un bassiste burkinabè. Bien d’autres
ambassadeurs de la culture sahélo-saharienne ont embrasé la foule. Parmi eux, Abdallah Ag Oumbadougou, l’ensemble féminin Tartit de Tombouctou, Nabil Baly Othmani de Djanet et le groupe Kel
Assouf.
Au cours de cette semaine, d’éminentes personnalités ont également témoigné de la richesse de la poésie des gens du
désert. Le philosophe Abdelhafid Hamdi-Cherif a dédié son intervention au chant bédouin et Amalia Dragani a esquissé le portrait des poètes. Mohamed Aghali-Zakara a souligné la vocation
cathartique de ces créations poétiques qui soulagent les cœurs meurtris.
L’orchestration de cette semaine de festivités revient à Farida Sellal, qui a rencontré le Grand Sud il y a 35 ans, et
œuvre depuis à la sauvegarde de la culture et de la langue tifinagh des peuples du désert. Depuis des années, elle n’a de cesse de magnifier l’imzad, une vièle monocorde emblématique de la
culture des Kel Tamasheq, qu’elle s’attache à sauver de l’oubli. « Cette corde symbolise la culture des déserts, ce patrimoine de l’humanité partagé
par les Touaregs d’Algérie, du Niger, du Mali, de Mauritanie…L’imzad les relie. L’instrument créée le lien entre tous. Veillons à perpétuer l’esprit romanesque des gens du désert, car c’est cet
esprit qui veillera sur le foyer de notre maison commune... », défend avec force l’initiatrice de ce festival.
Jadis, les Targuis scandaient leurs épopées au rythme de l’imzad, qu’interprétaient leurs compagnes, pour honorer leur
retour au campement. Mais au fil du temps, l’usage de cet instrument tendait à disparaître. Seules quelques femmes âgées savaient encore en jouer. Pour perpétuer cette pratique instrumentale, les
Imouharsse sont réunis au sein de l’association « Sauver l’Imzad », fondée par Farida Sellal, sous les bons auspices de hauts dignitaires, dont l'Amenokal Hadj Moussa Akhamokh. Un
festival a été organisé, en partenariat avec le ministère de la Culture d’Algérie, et un deuxième, et enfin cette troisième édition, en 2011. Et c’est ainsi qu’un violon à une seule corde a
permis la réunion de 180 000 personnes, en novembre, à Tamanrasset !
En parallèle, on a inauguré Dar el Imzad, la Maison internationale des artistes. Les compagnies Sonatrach et Sonelgaz
ont apporté leur pierre à l’édification de cette splendide infrastructure en en finançant une partie de la réalisation. L’espace culturel a été édifié grâce à la contribution de l’entreprise
Cosider qui a construit, sur 10 000 m2, les salles de cours et de spectacles où l’on y enseigne à présent l’imzad, ainsi que des ateliers où sont fabriqués des instruments de musique. A
terme, l’ensemble disposera d’équipements audiovisuels, d’une médiathèque et d’un musée où seront consignés les savoirs ancestraux des nomades. Dans des boutiques d’art attenantes sont d’ores et
déjà exposées les créations des artistes et artisans : bijoux en argent ciselé et bois d’ébène, articles de maroquinerie – sacs, selles et sandales -, chèches et autres tenues sahariennes.
Le Hoggar a recouvré sa grandeur et sa splendeur originelles. Poètes et créateurs d’Algérie, du Sahara et du monde
pourront prochainement séjourner en résidence à Tamanrasset. « Dar El Imzad sera le point relai de la
Transsaharienne passant par Tamanrasset, capitale culturelle et de convergence des modes musicaux et culturels de l'Afrique subsaharienne », annonce l’association.
Caravansérail sur la route Transsaharienne
Le rayonnement extra-muros de « Tam » et de toute la région est à présent bien engagé. La beauté des lieux et
des paysages environnants ajoute encore au charme de cette cité à nulle autre pareil, où l’on peut programmer, de septembre à avril, des circuits et des séjours touristiques dans le Hoggar à des
tarifs concurrentiels. Air Algérie produit la destination à 15 000 dinars au départ d’Alger, et propose également des formules comprenant le billet d’avion ainsi que l’hébergement, à des
prix tout aussi attractifs. Et pour ceux qui voudraient combiner avec d’autres villes sahariennes du Sud et du Grand Sud, la compagnie aérienne a renforcé sa desserte à destination de Djanet, de
Ghardaïa et de Béchar.
Les projets structurants entrepris depuis quelques années contribuent encore davantage à l’essor de cette ville
caravanière, au premier rang desquels la route transsaharienne. Pas moins de 4 500 kilomètres relient Alger la Méditerranéenne, à l’Océane Lagos, au Nigeria. Une liaison par fibre optique
est également en cours de réalisation, sur le même tracé, entre les capitales algérienne et nigériane. Et, à l’horizon 2015, c’est un autre projet colossal qui sera achevé, celui du gazoduc
algéro-nigérian, à destination de l’Europe.
Le Grand Sud algérien peut ainsi ambitionner d’être un hub où transitent hommes et marchandises. A la croisée des
mondes, Tamanrasset, ville passante investie par les voyageurs et les commerçants, est désormais une étape incontournable entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. Quelque 100 000
habitants résident déjà dans cette cité située à la croisée de l’Aïr, au Niger, et de l’Adrar des Ifoghas, au Mali.
Autrefois enclavée et désertifiée, la wilaya est aujourd’hui alimentée en eau via un pipeline de 750 km qui transporte la
précieuse ressource depuis la nappe albienne d’In Salah, d’où elle provient. Ce titanesque transfert, piloté par l’Algérienne des eaux, a requis les meilleures expertises internationales. Les
populations locales bénéficient maintenant « H24 » de cet indispensable breuvage. « Depuis mars 2011, l’eau coule au robinet. Elle provient
d’une nappe souterraine de 700 000 km2, dont le volume est estimé à 40 000 milliards de m3, soit la moitié de celui du Bassin méditerranéen. Pour l’atteindre, il a fallu forer à la
dynamite dans le basalte, et pomper à 600 mètres de profondeur », atteste Liess Hidouci, directeur des projets de l’Alimentation en eau potable (AEP).
Prochainement, c’est le réseau de gaz de ville qui va être installé. Tous ces aménagements vont favoriser l’émergence de
cette capitale régionale sur la scène nationale et renforcer les connexions entre le Nord et le Sud. Said Meziane, wali de Tamanrasset confirme. « La
ville va connaître une croissance extrêmement importante et ces projets contribuent à son développement. Qu’il s’agisse de Dar El Imzad, des infrastructures d’eau, de gaz et de transport, des
activités touristiques qui s’inscrivent dans une logique de changement, de l’agriculture, du commerce, de l’enseignement universitaire… tout
cela marque le lien qui scelle l’ancrage du Nord au Sud, de l’Algérie et de la Transsaharienne ».
La capitale du Hoggar se métamorphose. Demain encore, d’autres réalisations parachèveront les programmes déjà accomplis.
On annonce en effet l’ouverture d’un théâtre, la revitalisation des palmeraies et des systèmes d’irrigation, la construction d’infrastructures de tourisme de classe internationale, la
réhabilitation de la foire régionale… Et on attend la prochaine édition du Festival d’Imzad, qui promet encore de passionnants et fabuleux moments de partage dans le Grand sud algérien… et
ailleurs.