La Tunisie dans l'EuroMaghreb : un destin en partage
Paru dans Les Afriques - 20 janvier au 26 janvier 2011
La Tunisie, pays avec lequel l’Europe a construit de solides partenariats économiques et entretient des relations courtoises, a été le théâtre d’affrontements violents. Pour sortir de la crise, le concours technologique et financier des entreprises européennes pourrait s’avérer utile.
Industrie du tourisme, sous-traitance aéronautique, équipementerie automobile, agro-industrie, plasturgie, textile et habillement, industries mécaniques, électriques et électroniques, technologies de l’information et de la communication…
En quatre décennies de partenariat avec l’Europe, la Tunisie a développé un large spectre de métiers dans l’industrie et les services aux entreprises et autant de compétences pour exécuter ces tâches. Dotée d’infrastructures de transports et d’une chaine logistique performantes, elle peut prétendre au classement de tête pour le partenariat avec l’Europe, du fait des réformes engagées pour la mise à niveau de son économie aux standards internationaux.
Les entreprises européennes - de France, Italie, Allemagne…- ne se sont donc pas trompées en implantant leurs filiales pour développer leurs activités dans ce pays low cost, ou en externalisant des process métiers dans les nombreuses plateformes de contact et de relation clients dont il dispose. Signe que le système est performant, les majors de l’industrie, de la logistique et des services aux entreprises sont en contrat de partenariat avec la Tunisie. Aerolia, Microsoft, Benetton, Orange, le groupe Zannier, Alstom, Daewoo, Marmara, Thomas Cook, TUI…la liste est longue.
Des qualifications pointues
Avant les émeutes qui ont douloureusement meurtri le pays et mis en exergue la précarité d’une classe sociale, il était justement question de sortir d’une logique de compétitivité requérant une main d’œuvre faiblement qualifiée, à une autre, mobilisant de manière intensive des qualifications pointues pour innover sur des segments à haute densité technologique. Le passage à un modèle de croissance basé sur l'émergence de secteurs à haute valeur ajoutée était acté et déjà en partie réalisé. Seulement voilà, la rue n’a pas attendu davantage. Une partie de la Tunisie a, en effet, manifesté sa réprobation et son impatience face à un projet, certes ambitieux et prometteur, mais qui avait sûrement tardé à se matérialiser faute d’Investissements directs étrangers (IDE) en quantité suffisante à injecter dans les secteurs créateurs de richesse et d’emplois qualifiés.
Des collaborations plus efficientes
Aurait-il alors fallu assortir les contrats de partenariat avec les donneurs d’ordre venus de la façade nord de la Méditerranée de conditions prévoyant des investissements locaux plus conséquents ? Se repose, avec une acuité particulière, la question de la construction d’une union pour la Méditerranée. S’il est en effet avéré que l’Afrique du Nord - et précisément le Maghreb central - sert de base à la délocalisation d’une partie des activités économiques de l’Europe, alors il sera opportun de raisonner - non plus en termes de rentabilité interne à l’espace européen - mais bien en termes de rentabilité au sein de l’espace euromaghrébin. Et comme ces deux régions ont déjà en partage la production et la consommation du pétrole, des coopérations pour la relance de l’activité industrielle ainsi qu’une importante communauté euromaghrébine qui n’aspire qu’à s’intégrer dans le monde du travail, alors il est loisible de penser que la crise qu’a traversé la Tunisie - à laquelle s’ajoute celle de la jeunesse en Algérie - sera fondatrice et déclenchera des collaborations plus efficientes entre l’Afrique du Nord et la vieille Europe.
De plus en plus d’intérêts communs
Cette option était déjà défendue, en 2007, par Hassan Abouyoub, l’actuel ambassadeur du Maroc en Italie, qui déclarait, lors de la conférence internationale Europe-Méditerranée organisée par l’Institut Aspen France et Italie : « Créons un espace commun de connaissances et commençons à réguler l’employabilité des jeunes aussi bien au Nord qu’au Sud, plutôt que de parler d’immigration sélective ». Il en va, du reste, plus largement, du devenir de ces deux continents – l’Europe et l’Afrique - qui ont de plus en plus d’intérêts communs, a fortiori au moment où l’un poursuit sa décroissance quand l’autre confirme sa croissance.