L’investissement pour soutenir la croissance
La croissance en Afrique suscite l’intérêt des fonds d’investissement. Ils sont de plus en plus nombreux à pousser leurs pions, notamment en Afrique de l’Ouest.
Tope Lawani et Babatunde Soyoye sont Nigérians. Ils ont fondé, à Londres, en 2004, Helios Investment Partners, l’une des majors du capital-investissement dédiée à l’Afrique. Elle opère dans plus de 25 pays et gère un portefeuille d’investissement de 1,7 milliard de dollars. Les placements sont destinés aux entreprises des secteurs des télécommunications, des transports, aux services financiers, à l’agro-industrie ou encore aux assurances. Cette année, Helios a bénéficié d’une participation de 30 millions de dollars de la Banque africaine de développement (BAD) et a annoncé une levée de fonds record de 900 millions de dollars.
En l’espace de quelques temps, Helios s’est positionné en force sur le continent en effectuant trois investissements via le fonds Helios II. Il a acquis une participation majoritaire dans Interswitch Nigeria, société leader dans les services de traitement électronique des paiements. Il a également créé, en partenariat avec d’autres apporteurs de capitaux, Helios Towers Africa (HTA), fournisseur de pylônes de télécommunications, lequel a obtenu récemment une licence pour installer un réseau de télécommunications en Tanzanie, après une implémentation au Ghana et au Nigeria. Enfin, Helios et le groupe Vitol ont racheté la plupart des activités de distribution en Afrique de la compagnie Shell. Le montant de la transaction est d’environ 1 milliard de dollars.
Helios avait précédemment acquis Continental Outdoor Media, une entreprise publicitaire qui opère dans 14 pays d’Afrique subsaharienne. Le fonds d’investissement détient également 22% des parts de la société Africatel, pour un montant équivalent à 184,5 millions, et 16% des participations de First City Monument Bank (FCMB), une banque cotée à la bourse nigériane. Equity Bank Ltd Kenya, un établissement de microcrédit, a de son côté cédé 24,99% de son capital - pour une valeur de 178,7 millions de dollars - à Helios Investment Partners.
Cauris Management est l’un des premiers de la sous-région ouest-africaine à s’être lancé, en 1997, dans la gestion de fonds de capital-investissement. Depuis une quinzaine d’années, Cauris Management fournit des capitaux et prend des participations dans les entreprises. Au nombre de ses investissements, on trouve Burkina Bail au Burkina Faso, Equipbail Mali, Sodigaz, la Compagnie de distribution de Côte d’Ivoire (CDCI), Moov Togo, Société industrielle de matériels électriques (Simelec) au Sénégal et Jossira pour la production d’huile de coton. Il s’est entouré d’investisseurs de premier plan, parmi lesquels la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), Bank Of Africa (BOA) et Banque Atlantique La société néerlandaise pour le financement du développement FMO, la compagnie d’assurances GTA-C2A Vie, le groupe CDC du Royaume-Uni et Proparco sont aussi partenaires.
Crédité d’un capital de 5 milliards F.CFA, le Fonds soutient des projets à forte valeur ajoutée. Il gère, depuis son siège, à Lomé, le Fonds Cauris Croissance II (FCCII), qui a démarré ses activités en 2010 avec la levée de 45 millions d'euros, et l’objectif d’atteindre 60 millions d'euros en 2011.
Tuninvest-Africinvest est pour sa part actif dans plusieurs sous-régions africaines, dont l’Afrique de l’ouest. A son actif, plus de 550 millions d'euros de capitaux sous gestion levés auprès d’investisseurs privés et d’agences de développement. Il cible lui aussi les PME, en création et en croissance, et propose un soutien financier et stratégique. Africinvest dispose de six bureaux, à Abidjan, Alger, Casablanca, Lagos, Nairobi et Tunis. Il intervient dans les secteurs de la construction, de la distribution, dans les services financiers, l’agro-industrie, les produits pharmaceutiques, le textile…
Dans son portefeuille d’investissement figure l’hôtel Anchorage, à Lagos, qui est géré par Radisson, ainsi qu’Atlantique Telecom Togo ou encore Petro Ivoire, une société de distribution d’hydrocarbures. Le fonds a également investi 5 millions d'euros, en 2009, dans le laboratoire pharmaceutique ghanéen Lagray Chemical, lequel se positionne sur la fabrication de médicaments génériques. La même année, il a investi 6 millions d'euros dans Transformation Reef Cameroun, société néerlandaise forestière qui exploite des concessions en Afrique - dont une au Cameroun - et destine sa production à l’exportation, principalement en Europe.
Avec 5 milliards d'euros de capital, la Libya Arab Africa Investment Company (LAAICO) fait figure de géant dans l’univers du capital-investissement. Elle aussi a largement investi l’économie ouest-africaine, dans les secteurs du tourisme, de l’agriculture, des mines, des télécoms, dans les banques, les stations services… Au Niger, le fonds libyen et le fournisseur chinois d’équipement télécoms ZTE ont racheté, en 2001, 51% du capital de la Société nigérienne des télécommunications (Sonitel). Au Ghana, LAAICO a pris des participations dans des sociétés aurifères, ainsi que dans des mines de fer en Guinée et dans la société de prospection de diamants Oryx, en République démocratique du Congo. Elle a également concentré ses activités d’investissement dans l’hôtellerie et l’industrie. L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) soulignait, en 2008, que la Société libyenne pour l’investissement à l’étranger (LFIC), « l’un des instruments d’investissement de la Libye, établi en 2005 pour cibler les investissements internationaux, en particulier l’immobilier et, plus récemment, les infrastructures », avait soutenu des projets en Afrique.
Au Burkina Faso, la Société libyenne pour l'investissement et le commerce (SALIC), une entité à 100% financée par LAAICO, a ainsi établi un complexe hôtelier, résidentiel et commercial dans le quartier Ouaga 2000. Au Gabon, c’est via Libyan Foreign Investments Company (LAFICO) que le capital-investisseur opère en exploitant une concession de 400 000 hectares de forêt, tandis que LAFICO-Mali détient un hôtel et est entré dans le capital de la Société nationale des tabacs.
L’internationalisation des investissements
A ces fonds d’investissement panafricains, s’ajoutent des firmes de private-equity étrangères, qui ont perçu l’intérêt que représentait l’Afrique de l’Ouest où les opportunités ne manquent pas. Dans de nombreux domaines – services bancaires et financiers, assurances, infrastructures, télécommunications, industrie… -, les potentialités existent et la croissance est au rendez-vous. C’est ce qui explique l’arrivée de l’Américain Carlyle, qui surfe sur la vague, annonçant une levée de fonds de 750 millions d'euros en Afrique. Emerging Capital Partners (ECP), firme américaine codirigée par le Franco-Camerounais Vincent Le Guennou, a mobilisé de son côté plus de 1,8 milliards de dollars. Le fonds d’investissement cible prioritairement les services financiers (26% de son portefeuille), les ressources naturelles (21%), les télécommunications (23%), l’agro-industrie (8%). ECP est entré dans le capital de Financial Bank. Il détient, depuis cette année, 100% du capital de la holding désormais appelée Orabank, qui dispose d’agences bancaires dans six pays : Bénin, Gabon, Guinée Conakry, Mauritanie, Tchad et Togo.
ECP a créé plusieurs fonds, dont Africa Fund I, qui a réalisé, en 2005, son premier investissement dans la Société internationale de plantations d’hévéas (SIPH), premier exportateur de caoutchouc en Afrique. « L'investissement du Fonds aura permis à la société d'accroître sa capacité de production, de rembourser sa dette et d'augmenter sa participation dans la Société africaine de plantation d’hévéas (SAPH) et dans Ghana Rubber Estates Limited (GREL). En 2006, SIPH a vendu 82.850 tonnes de caoutchouc, en hausse de 45% par rapport à 2004 », indique ECP. Il ajoute qu’en 2006, il a joué un rôle majeur dans l'acquisition par SIPH des plantations de Michelin au Nigéria, en échange de 20% des parts de la société.
La présence de plus en plus marquée sur le continent des investisseurs chinois est à souligner. Elle remonte à 2006, année du Sommet de Beijing et du Forum sur la Coopération Chine-Afrique. China-Africa Development Fund (CADFund) est apparu à cette époque, en 2007. Le fonds de développement est axé sur le soutien aux entreprises chinoises qui opèrent en Afrique. Il bénéficie du puissant soutien de la Banque de développement de Chine, qui l’a doté d’un capital de départ d’1 milliard de dollars, en se fixant comme objectif d’atteindre les 5 milliards de dollars.
CADFund est impliqué dans le secteur des TICs, des télécommunications et des industries de transformation. Grâce à son appui, les sociétés chinoises renforcent leur présence sur le continent et remportent des contrats. Au Ghana, CADFund et Bosai Minerals Group of China ont ainsi contracté, en 2010, avec le gouvernement ghanéen pour la construction d’une raffinerie d’aluminium.